Par Frédérique de Gravelaine :

 

Avant le départ,
ça pépie pépie
mouettes sur Loire miroir
traquent le poisson.
Deux trois quatre cinq
compter ses respirations
marcher sans rêve.
Allonger le pas
respirer en cadence
juste observer.

 

J1 (15 septembre) – Du Puy en Velay à St Privat d’Allier

 

Quelques aboiements
à l’entrée du village
un volet grince
Parfum de terre
voilà déjà les sapins
déjà la montagne
Fermes en pierre
longues aux granges hautes
majestueuses

 

J2 – vers Saugues

 

Sous-bois chemin creux
quelques parfums de brume
vite effacée
Bain de silence
si léger si bleu habité
de pépiements
Respirer à fond
forêt en lointain ouvert
pas élastique
Le genou tient bon
les mollets tirent un peu
corps-esprit content
Le sable frémit
Le sable frémit
jouant entre les feuilles
sol y sombra
Soudain s’efface
le flot de l’Allier
seul le son des pas
Entre deux cailloux
une fleurette rose
éblouit le gris

 

J3 – Jusqu’au Sauvage

 

Les pas du matin
s’assouplissent allégés
je vais m’envoler
Sur le sable tant
d’empreintes à déchiffrer
sculptent le chemin
Le vent dans les pins
imagine la mer loin
au Finistère
Des sauterelles
à mes pas s’éparpillent
mini feu d’artifice
Entre les pins gris
juste des vaches blondes
leurs grands yeux fardés
Des bouses sèches
balisent le chemin blanc
silencieuses

 

J4 – Vers Aumont-Aubrac

 

Hennissements
au départ des pèlerins
les chevaux saluent
Entre les herbes
toiles d’araignées trahies
par la rosée
Rosée déposée
et les bulbes de chardons
scintillent bijoux
Plaisir du levant
dans la lumière rose
boire en marchant

 

Des cailloux, des fleurs (petites fleurs), des herbes (toutes sortes d’herbes), des genêts, des ronces
et du sable, du sable.
Autour, des forêts et des champs, des pins (morts parfois, bois torturés).
Et des vaches, leurs meuglements, leurs cloches, leur odeur d’étable (vifs souvenirs d’enfance) :
nous sommes chez elles.
L’Aubrac dégage
un fort fumet d’étable
rappel d’enfance
Les douleurs migrent
commencées à l’épaule
elles tombent aux pieds
Il pollue ici
jusqu’à là-bas la mer
odieux mégot
Des petits cairns
amusent le Camino
« je suis passé là »
Joyeux les parfums
quand le soleil du matin
dore les herbes
Sous la pinède
Parfum de soleil
racines maltraitées

 

Sortir de l’ombre
et le vallonné s’ouvre
en grand spectacle
Un petit avion
un épervier planant
ciel habité
Des pins abattus
ne restent que racines
l’ombre manque

 

J5 – vers Nasbinals

 

Au soleil levant
elle noie les pins rougeoyant
la mer de brume
De ses doigts de sang
elle dessine les pins
l’aurore fraîche
Le groupe souffle
au pas lent des sonnailles
mêlé aux vaches
Deux jeunes taureaux
s’enamourent les museaux
gare aux cornes
Parfums d’épices
à passer entre les pins
ombre délice
Gris des pierres
bleu du ciel paille des prés
palette Aubrac
Vaches étendues
piquets et murets guident
l’horizontale
Lointains tintements
à l’arrêt pour écouter
grand grand silence

 

J6 – vers St Chély Aubrac

 

Je pousse mes pieds
loin de contemplative
ça commence mal
Le sol moelleux
attendrit les pieds tristes
les douleurs s’oublient
Au loin blond sur blond
les vaches semées sur prés
telles des pierres
Bruyères déjà
ce vingt-et-un septembre
mauves et blanches
Sable brun rouge
herbe moquette pâle
le pays change
Forêt de feuillus
les pins sont derrière nous
et le bel Aubrac
Au creux du vallon
la boralde frissonne
promesse de Lot
Les pierres moussues
les compagnies de frênes
tout redevient vert

 

Marches de lave
au basalte noir brillant
ça descend ardu
Monter en crabe
en écoutant mon genou
lui parlant gentil

 

J7 – vers Espalion

 

Pluie nocturne
prés verdis et rigoles
courent au matin
Sortir du sous-bois
et la forêt s’allume
en tons d’automne
Sur talus moussu
un parfum de verveine
Fougères rousses
Fougères rousses
Des cours d’eau vive
des ponts en pierre massifs
un petit vent frais
C’est la cheville oui
qui tire qui tire là
sale histoire
Longue étape
je rêve d’un abreuvoir
et plonger les pieds

 

J8 – vers Bellevue

 

Entre les arbres
repérer la rivière
bleue miroitante
Il caracole
avec joyeuse humeur
le Lot tout bruissant
Arbres découpant
leurs ramures sur fond d’eau
ciel à l’envers
Heurts dans le sous-bois
très légers bourdonnements
silence furtif
Un souffle de vent
légère pluie de feuilles
une pour moi ?
Danser à travers
les ombres lancéolées
des châtaigniers
Chocs sourds dans le bois
les bogues de châtaignes
chutent en rebonds

 

J9 – dernière étape

 

jusqu’à Conques
Le dernier matin
belle lumière air frais
jouir encore
Aujourd’hui un vent
à défriser les chênes
aïe chute de glands
Ce vert vallonné
pigeonniers et châtaigniers
vieille richesse
Enfin arriver
l’attente si intense
alourdit les pas
Encore un pas
et puis l’autre sans penser
juste avancer
Entre les cailloux
pour monter ou descendre
je zigue et zag
De l’endurance
même avec peu voilà
mes neuf étapes